En janvier, l’équipe de recherche de Kazerne Dossin a reçu une collection extraordinaire. Bien que celle-ci ne comprenne que deux documents, sa valeur historique est immense. Grâce à ces documents — une correspondance et la mention d’une transaction de vente — nos chercheurs ont pu reconstituer une partie de l’histoire de la famille Jessurun Lobo.
Ces documents mettent en lumière un aspect méconnu de la persécution. De nombreuses familles juives ont non seulement redouté une menace pour leur liberté et leur vie, mais ont également été contraintes d’abandonner leurs biens et de chercher un refuge, à l’étranger ou ailleurs. Elles ont dû trouver des moyens de protéger leur patrimoine. Entre 1940 et 1941, la famille Jessurun Lobo louait une maison à Raymond Van Looy.

Une lettre de Marcus Jessurun (M.J.) Lobo révèle comment ils ont tenté de régler leurs affaires. Rédigée le 14 décembre 1940, elle était adressée au propriétaire de son fils, Ben Max (B.M.) Lobo. B.M. louait un appartement à Raymond Van Looy à Anvers depuis 1939. Cependant, en 1940, il s’était enfui de Belgique avec son épouse et ne résidait donc plus dans l’appartement. B.M. parvint à se réfugier en Espagne avant de s’installer en Écosse, où il survécut à la guerre.
Comme M.J. vivait aux Pays-Bas, il ne pouvait pas se rendre à Anvers pour gérer la situation. En effet, un interdit de voyage pour les Juifs était en vigueur aux Pays-Bas. Les lettres étaient donc un moyen essentiel pour prendre contact et régler des questions pratiques. Grâce à la médiation d’un autre membre de la famille vivant à Anvers, les démarches nécessaires purent être effectuées : les sommes dues sont réglées et les meubles trouvèrent une nouvelle utilisation.

Un acte de vente datant de 1941 atteste que Raymond Van Looy a racheté le mobilier de la chambre de l’appartement pour 5 000 francs belges. 82 ans plus tard, des membres de la famille de Raymond Van Looy conservent encore ces meubles.
À cette époque, il était courant que les propriétaires rachètent les meubles de leurs locataires. Dans de nombreux cas, ces transactions donnaient lieu à des abus. Cependant, dans cette situation particulière, il est manifeste que les parties sont parvenues à un accord équitable.