Le 8 mai 1945, Jour de la Victoire : ce jour-là, les nazis se rendirent aux Alliés et la Seconde Guerre mondiale prit officiellement fin. Mais pour bon nombre de victimes de la persécution juive, ce jour ne marqua pas pour autant la fin de l’horreur de la Shoah.
La majeure partie de la Belgique avait déjà été libérée avant le 8 mai 1945, entre septembre 1944 et janvier 1945. Bruxelles et Anvers avaient déjà été libérées les 3 et 4 septembre 1944. Si certains Juifs prirent part aux célébrations, d’autres ne pouvaient se réjouir. Ils ignoraient encore si leurs proches reviendraient saufs après leur déportation.
Les Juifs survivants furent confrontés à quantité de problèmes pratiques après la libération. Ils n’avaient souvent plus d’habitation officielle dans laquelle revenir, ou bien leur mobilier avait été confisqué. Les adultes n’avaient pas de travail et les enfants accusaient des années de retard dans leur scolarité. Ils avaient provisoirement besoin d’un toit, de nourriture, de vêtements et d’aide. À ce moment-là, la société dans son ensemble se souciait fort peu de la souffrance de la communauté juive.
Même la libération de la caserne Dossin, le camp de rassemblement pour les Juifs, les Roms et les Sinti à Malines, se fit sans bruit. Il n’y eut aucune intervention militaire héroïque : après la fuite de leurs gardiens, les près de 550 Juifs qui se trouvaient encore dans la caserne Dossin en ouvrirent eux-mêmes les portes et quittèrent le camp. La communauté juive était livrée à elle-même. L’entraide et le soutien d’associations caritatives juives d’Outre-Mer permit d’organiser accueil, enregistrement et soutien pratique, grâce à quoi la vie juive pu lentement reprendre. La célébration des services reprit pour la première fois ouvertement dans les synagogues ; c’est alors, et alors seulement, que la libération se fit réellement sentir. La possibilité d’organiser ouvertement la vie juive marqua la transition entre occupation et liberté.
Mais entre-temps, il n’y avait toujours pas de nouvelles des proches déportés. Les premiers survivants juifs arrivèrent en Belgique fin mars 1945, soit sept mois après la libération. Ils étaient épuisés et malades, et leurs récits des horreurs qu’ils avaient vécues annihilèrent complètement l’espoir du retour de tous les déportés. Au cours des mois qui suivirent, un millier de survivants revinrent au compte-gouttes. Ils ne pouvaient pas retourner dans leur maison parce que d’autres s’y étaient entre-temps installés et rapportaient des nouvelles des innombrables assassinés. La joie de la libération ou de la fin de la guerre leur restait étrangère. Certains moururent peu après leur retour.
Il s’avéra pour beaucoup impossible de croire, et encore moins d’accepter, que tant d’absents ne reviendraient pas. Leurs proches n’avaient ni date de décès, ni obsèques ni tombe, et on n’avait jamais connu leur sort. Ils furent nombreux à continuer d’attendre et de chercher leurs proches disparus le restant de leur vie. Pour ces personnes, il n’y eut jamais de véritable libération.
Lisez l’article complet de Veerle Vanden Daelen, conservatrice à Kazerne Dossin sur Belgium WWII.